Tout est dans le titre. La plupart de mes proches le voient sans trop le comprendre, car je suis passé de l’un à l’autre en peu de temps. Loin de moi l’idée de convertir avec cet article, il s’agit plutôt d’expliquer ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui fait ce cheminement.
Dans la première partie, je vous ai expliqué concrètement par quelles étapes et quels évènements je suis passé pour en arriver là aujourd’hui. Mais l’essentiel du chemin étant à l’intérieur, ça ne suffit pas à expliquer ce choix d’amener la religion dans ma vie après l’avoir vilipendée durant tant d’années. Aussi, après vous avoir parlé des faits, je vais maintenant vous parler de ce qui s’est passé dans ma tête.
À travers ces articles, je ne veux pas convertir mais expliquer. En revanche cher lecteur, comme pour le premier article de cette série, je te propose que nous passions un marché, toi et moi. Peu importe nos divergences d’opinions, restons bienveillants à l’égard l’un de l’autre. Que ce soit dans tes commentaires en ce qui te concerne, que ce soit dans mes articles ou mes réponses à tes commentaires. Le but n’est pas de tomber d’accord, mais de se comprendre.
Tu penses trop
« Tu penses trop » est une phrase qu’on m’a bien souvent répété quand j’étais ado et tout jeune adulte. Mais peut-on dire à un jeune qu’il pense trop ? Dans sa recherche de lui-même, dans la construction de son identité, je pense que la meilleure façon de lui répondre est de l’inviter à s’orienter vers un chemin de pensée, lui faire se poser des questions dont les réponses le guideront et non pas l’inviter à fermer son esprit à toute réflexion. Bref, toujours est-il que j’aime rationaliser le monde qui m’entoure pour tenter de le comprendre. Pendant longtemps, ce fut aussi pour me faire croire aussi que je le maîtrisais. Je découvrirai bien plus tard qu’en réalité on ne maîtrise rien et que ce n’est pas bien grave.
Nombreux peuvent en témoigner, en matière d’organisation et de gestion du temps je suis un intraitable. De façon générale, je décortique et j’analyse tout ce que j’entends, lis et vois. Dans ce besoin de tout rationaliser, il y avait cette nécessité de mettre un nom sur ce que je suis. J’étais en avance sur les autres quand j’étais gamin, je développais des idées qui ne collaient en rien avec les milieux sociaux-professionnels que mes parents côtoyaient, je lisais des bouquins de philo à 13 ans, j’ai tenu un premier blog de 16 à 18 ans qui traitait justement de questionnements philosophiques personnels et j’ai toujours eu un sentiment d’être en décalage avec le monde sans comprendre « pourquoi moi ». En parallèle, comme je l’explique dans la première partie, j’étais dans le rejet le plus complet de la religion catholique.
Et la lumière fut
Et puis il y a ce moment où je découvre que cette étiquette que je recherche tant, elle existe, elle est là. Elle n’est pas à réinventer, tout ce que je recherche est sous mes yeux, caché depuis toujours par le brouillard du mensonge et du conditionnement. Cette voie m’offre même une infinité insoupçonnée de possibilités.
Avant d’en arriver là, je découvre les milieux militants en 2012. Loin des CSP+ que je côtoie via le travail et la JCE, loin d’être pourtant des viviers de croyants, ma rencontre avec ceux-ci est pourtant déterminante dans ce que je suis aujourd’hui. J’y redécouvre la simplicité volontaire, la sobriété heureuse, l’écologie globale et l’anarchisme chrétien qui me parlent beaucoup. J’avais mis de côté ces valeurs au début de ma vie adulte, ayant fini par croire qu’elles étaient trop idéalistes et en décalage avec ce qu’il faut pour s’en sortir dans ce monde. Et là, tout d’un coup, je découvre un univers de personnes les partageant et m’amenant en plus toute une réflexion de fond sur le réalisme des dites valeurs (Mondi, Bruno, Boris, si vous me lisez).
De fil en aiguille, je découvre aussi la pensée d’éminentes personnalités comme Léon Tolstoï, chrétien orthodoxe, et Pierre Teilhard de Chardin, prêtre jésuite. Enfin, en 2013, Monseigneur Bergoglio devient le Pape François. J’en parle dans la première partie, mais ça me semble nécessaire de revenir dessus. Grâce à lui, je découvre qu’à notre époque on peut être un croyant haut placé et être intelligent et bon. Je découvre que l’on peut être chrétien et vivre la sobriété heureuse. Je découvre que la conception de Dieu que j’ai développé seul toutes ces années est « inclue » dans le catholicisme qui m’offre alors bien plus encore. Fin 2013, le constat s’impose : je suis chrétien, et ce depuis que j’ai reçu le baptême.
Vivre avec et en cohérence
Dans notre société, beaucoup de gens « font leurs courses » dans les religions comme on le ferait au supermarché. Un peu de chamanisme, un peu de bouddhisme, une touche de druidisme… Tout ça pour donner un mélange pas très clair, même s’il est sans doute plein de bonnes intentions. Mais vous savez ce qu’on dit au sujet du sol de l’enfer…
C’était d’ailleurs l’objet de la lecture et de l’homélie d’hier matin à la messe : Jésus rencontre une femme non juive près d’un puits, voit en elle qu’elle est passée par plusieurs religions et qu’elle croit finalement en Dieu parce qu’il en faut bien un (pour faire simple). Au final, rien de bien tangible dans ce mélange. Le Christianisme, au même titre que le Judaïsme et l’Islam d’ailleurs, n’est pas quelque chose que l’on peut vivre partiellement. Une religion est un tout qui ne peut fonctionner correctement que si ce tout est pris dans son ensemble et appliqué avec cohérence. C’est un équilibre délicat qui peut énormément nous apporter mais dont nous, croyants, devons prendre soin.
Imaginez donc : des dizaines (des centaines ?) d’hommes et de femmes ont passé leurs vies entières à écrire et s’interroger sur chacune des choses que leur religion veut transmettre, ou sur lesquelles elle souhaite interpeller. Il suffit de lire des textes de notre Pape émérite Benoît XVI ou de feu Monseigneur Lustiger pour se rendre compte que nous sommes souvent très loin d’imaginer le niveau de réflexion et d’intelligence dont il a été fait preuve par une religieuse ou un religieux pour développer une idée. Qui serions-nous alors pour balayer d’un simple revers de la main les pratiques à avoir ou non ? Cela ne veut pas dire que nous devons faire preuve d’aveuglement, mais nous devons plutôt nous poser la question « Pourquoi tel rituel est ainsi fait ? Pourquoi l’Église a tel avis sur cette question ? » Les prêtres sont là pour répondre à nos questions et bien souvent les réponses coulent de source quand on est disposé à les entendre.
En conséquence, amener la religion catholique dans ma vie ne peut se faire sans aller jusqu’au bout des choses. Il ne pouvait être question de dire « je suis catho et basta ». Cela passe par les actes, qu’il s’agisse de faire ma communion et ma confirmation, d’aller à la messe le dimanche (et de l’écouter et d’y réfléchir !), de pratiquer le carême ou de m’impliquer auprès de la paroisse pour continuer d’aider mon prochain plus que je ne le faisais déjà avant.
Faire acte de foi
Contrairement à ce que l’on peut penser, il est bien plus difficile de croire à quelque chose que l’on ne voit pas que de se dire « foutaise, rien n’existe ». Il me semble plus facile d’être athée que d’être croyant car croire, c’est faire acte de foi et accepter que nous ne sommes pas les plus grands en ce monde. C’est accepter d’être dépassé par l’Univers et que les commandements des hommes ne se substituent pas à ceux de Dieu.
Ainsi, croire demande un acte de foi et d’engagement. Faire le choix conscient de croire en Lui est souvent le fruit d’une longue réflexion. C’est également un acte d’abnégation, car cela nécessite d’accepter de s’en remettre à ce Créateur invisible pourtant bien présent. C’est aussi laisser de côté son égo et les tentations de la grandeur auxquelles chaque être humain est confronté (que ce soit dans l’envie ou dans le rejet pour justifier l’inaccessibilité à la grandeur).
Et cet acte de foi passe par la compréhension de ce que Dieu attend de nous et de ce qu’il nous incombe de faire et de mettre en pratique. Tout un programme !
En finir avec le cliché de l’aveuglement
Car croire en Dieu ne veut pas dire être aveugle. Dans cet acte de foi, nous restons des êtres humains libres et avec toutes les imperfections qui nous sont propres. Ainsi l’Église n’est-elle pas parfaite, puisque composée d’hommes et de femmes. Si nous étions parfait, nous n’aurions pas besoin de l’Église. Être catholique nous incite à utiliser notre intelligence et non à suivre aveuglément ce qui est dit. Nous avons le droit de ne pas être d’accord, mais avec le devoir moral et tacite de faire preuve de réflexion.
Jamais mon intelligence n’a-t-elle été autant sollicitée que depuis que j’ai accepté mon baptême. Que ce soit au travers de mes lectures catholiques, de la compréhension des textes de personnalités religieuses, du travail sur moi-même ou de mes discussions avec d’autres catholiques. Nous sommes très loin du cliché des moutons de Panurge.
Une communauté
J’ai longtemps fait l’éloge de l’expression du pape François « chrétiens de salon » pour définir les grenouilles de bénitier. Et pourtant s’il y en a – elles ne sont pas rares – elles ne représentent certainement pas une majorité.
A contrario, de part mes rencontres et mon implication je découvre une richesse insoupçonnée de gentillesse, d’amitié et d’intelligence chez les catholiques de ma paroisse. Des gens d’horizons très différents, mais avec une banane et un altruisme qui donne du baume au cœur. Et puisque les grenouilles de bénitiers sont ce qu’elles sont, alors on y fait pas trop attention et on tente de rester bienveillant malgré tout. Quel groupe peut se targuer de ne pas avoir quelques-uns de ses membres qui soient parfois un peu à côté de la plaque ? Aucun.
Au sein de cette communauté, je découvre des personnes avec les mêmes questionnements que moi ou les ayant connus, des avis en commun, des valeurs partagées. Loin d’être un modèle que j’ai suivi bêtement, je découvre au contraire un univers qui me correspond et auquel je corresponds. Paradoxalement à l’anticléricalisme dont je faisais preuve, j’étais finalement chrétien sans même le savoir. « Un chrétien qui s’ignore », comme me le disait mon meilleur ami Maxime.
Plus j’avance sur ce chemin et plus celui-ci me donne la force et l’envie de poursuivre ma route. Près du puits, Jésus dit à la femme non juive : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ».
Au prochain épisode, on parlera des idées de l’Église qui font souvent débat en repas de famille et de ce qui les motive concrètement. Et n’oubliez jamais : Dieu est taquin, voyez les mathématiques