Ce Vendredi, je me faisais la réflexion suivante : ne manque-t-on pas parfois de cohérence entre ce à quoi nous aspirons et l’ambition (ou l’ego) qui guide nos actes ? S’il faut bien remplir le frigo, nous demeurons seuls maîtres de nos choix de vie.
Pour comprendre le cheminement de ma réflexion, je vous en dit un peu plus sur moi-même… En quelques années maintenant, j’ai totalement changer mon fusil d’épaule sur bien des sujets. Ceux qui me connaissent depuis longtemps savent bien que mes convictions ont fondamentalement changé. Le déclic a commencé en 2012, où j’ai pris conscience que la route que j’empruntais ne me convenait plus. De droite je suis passé à centre gauche, d’individualiste agnostique je suis devenu catholique, de consommateur viandard je suis devenu un bobo-écolo-bio végétarien, et j’en passe.
Ces changements ne sont pas venus d’un coup d’un seul ou par effet de mode, mais à la suite d’une grosse remise en question qui s’est étalée sur plusieurs années. Par soucis de cohérence intellectuelle et d’honnêteté envers moi-même, un changement en entrainant un autre, je me devais d’aller au bout de ma réflexion. Et c’est là qu’arrive mon questionnement du jour.
Les créatifs culturels
Aujourd’hui nous parlons souvent de la mouvance des créatifs culturels. Pour faire très simple, il s’agit d’un groupe socio-culturel souvent présenté comme celui de personnes construisant la société de demain en permettant des changements sociaux fondamentaux. A mon sens, je vois désormais ce terme comme un fourre-tout dans lequel on place des personnes issues des milieus écolos et alternatifs, des gens issus des courants féministes, des personnes en manque de spiritualité, des innovateurs, des digital natives, le tout saupoudré d’humanisme. Ce mouvement représenterait tout de même 17 % de la population française en 2007, et certains parlent de 30 % à l’heure actuelle. .
Sachant cela, on comprend que les créatifs culturels sont sans doute l’avenir de notre civilisation, participants aux changements sociaux à tous les niveaux. Bons ou mauvais, chacun se fera son idée. Me retrouvant moi-même dans ce courant, ainsi que pas mal de mes connaissances, je me rends compte alors que nous (les 0 – 60 ans) sommes des générations de transitions. Nous connaissons l’ancien monde : celui du capitalisme outrancier, de la pollution, de l’individualisme et de l’ambition personnelle. Nous connaissons et forgeons aussi, chacun à son niveau, le nouveaux monde : celui du développement durable, des économies alternatives, de la promotion du collaboratif, du respect de la Terre et du vivant, jusqu’aux plus audacieux (dont je suis admiratif) qui décident de tout lâcher pour transformer un vieux hameau en un village autonome.
Nos générations sont les témoins du changement : un monde s’effondre, et un autre vient de naître. Ces deux mondes se côtoient et avec, les concepts de ces deux mondes dans nos têtes. Pour ma part, j’ai été élevé avec les idées de « l’ancien » et me suis de moi-même petit à petit orienté vers « le nouveau ». Comme tout chemin de vie, c’est un cheminement long, tortueux et continu.
La question
Tout ça pour en arriver à la question suivante, elle-même sans doute une étape dans le dit cheminement que je vous déroule depuis 500 mots : tandis qu’en tant que créatifs culturels nous sommes à l’œuvre pour faire évoluer les choses, certains d’entre-nous ne sont-ils pas incohérents à aspirer à une réussite socio-professionnelle avec les règles du jeu de l’ancien monde tout en prônant le nouveau ? Je précise que je m’inclus parmi les « certains d’entre-nous », et ce n’est pas une question rhétorique mais une véritable interrogation.
J’ai l’impression qu’à ce jour, qui n’a pas fait acte d’une certaine forme de renoncement est toujours à la recherche de la sécurité illusoire que nous offre notre société, ou bien de ses promesses d’avenir. Finalement, l’attitude la plus cohérente ne-serait pas d’aller encore plus profondément dans ces changements de vie ? Quelques exemples parmi tant d’autres :
- Dans mon métier, je m’efforce de n’accepter que des clients qui ne vont pas à contre-sens de mes valeurs. Je refuse alors de mettre mes compétences au service d’une entreprise de l’agro-alimentaire « classique » ou bien une grande chaîne TV. C’est déjà un début. Mais ne devrai-je pas intervenir uniquement auprès – et c’est subjectif, bien entendu – des entreprises qui apportent quelque chose à la société ? A quel degré ma réflexion doit-elle s’arrêter ?
- Peut-on aspirer à s’enrichir afin de bien vivre et apporter à ses enfants la sécurité, en même temps que de souhaiter la fin du capitalisme ? Ou doit-on accepter qu’il y a une part de risque dans le monde qui nous entoure et on devons-nous alors faire aussi davantage confiance à la vie ?
- Doit-on renoncer à avoir un smartphone pour éviter d’avoir du « made in China », en attendant une alternative ?
- Quand on parle d’écologie, ne devrait-on commencer à adopter la démarche de Bea Johnson qui tend vers le « zéro déchet » ? Plutôt que de se contenter de faire la promotion de l’écologie ?
- L’implication citoyenne en faveur du changement ne doit-elle pas s’accompagner d’actes individuels qui soient extrêmement forts pour être cohérente ?
En conclusion
Concernant certaines de ces questions, j’ai déjà « ma réponse » et le changement est amorcé. Pour d’autre, ce n’est pas encore le cas et j’ignore si ça tient de la recherche de la réponse ou du temps nécessaire pour accepter cette dernière. C’est autant de questions que de changements à effectuer en chacun de nous. Bien sur, ces changements se font par petits pas et prennent le temps qu’il se doit. Mais alors je me rends compte que tant que la transition d’un monde à l’autre ne sera pas terminée, nous demeurerons des générations schizophrènes dont la stabilité ne peut se trouver que par le mouvement, et l’évolution aussi lente que progressive des convictions. A moins d’accepter un certain renoncement. Pour parvenir à trouver un meilleur mode de vie, un meilleur équilibre, de sédentaires nous redevenons nomades. Mais des nomades des idées qui aspirent à d’autres horizons.