Voici l’un des quelques articles hors-sujet de mon blog professionnel que je rapatrie ici. Poser ces mots fut un moment particulier. C’est autant pour moi que pour participer à briser la loi du silence sur ce sujet que je me suis lancé.
C’est un problème dont on parle de plus en plus. Longtemps ignoré, il est pourtant monnaie courante dans les cours de récré. J’en parle parce que je l’ai connu, à mon niveau. Pas physiquement, ou très peu, contrairement à d’autres. J’ai la « chance » ne pas avoir été bizuté. Ce que j’ai vécu était plus d’ordre psychologique. Ce qui m’a motivé à passer au clavier sur ce sujet, c’est la diffusion récemment d’une bande-annonce pour un documentaire sur le harcèlement à l’école.
Étant môme, j’ai toujours été un gamin solitaire. Je n’avais pas les mêmes centres d’intérêts que les autres car le monde des adultes, mes bouquins et mes dessins me passionnaient d’avantage. Je foutais la paix aux autres, on me foutait la paix et c’était bien ainsi. Puis est venu le moment d’entrer au collège. Cette période, je l’ai longtemps enterré au fond de moi.
Tout commence donc en sixième. Le collège est un passage important pour un gosse, une sorte de rite social. J’arrive là bas, un peu pommé, comme tout gosse je suppose. Mais pour changer, je tente de m’intégrer aux autres et ne la joue pas ermite. Et de toute évidence, être un gamin un peu plus mûr que les autres n’aide pas à s’intégrer, on me le fait vite comprendre. Un type un peu con décide que les autres doivent me pourrir la vie. Et ils suivent. Durant mes trois premières années de collèges, entre chaque heures de cours, j’ai droit à ce que la moitié des élèves qui me croisent se paient ma tronche. Picsou (j’en lisais les BD en heures de perm’), porcinet (j’étais un peu bouboule), porciaux, enculé, fils de pute, connard, petit gros, con, microbe, etc. Ceci, à toutes les récrés, tous les midis, tous les soirs en sortant du bahut jusqu’à ce que je monte dans mon car. Sans parler des affaires volées à de nombreuses reprises… Ceux qui ne rigolaient pas, ceux là fuyaient, ne faisaient rien, de peur des représailles. Et même quand je n’étais pas là, on inventait des histoires sur mon dos qui me retombaient dessus ensuite.
Pour autant, je n’avais pas la langue dans ma poche, mais rien n’y faisait. Aussi avais-je appris à me terrer dans les couloirs pendant les « récréations » sans que les profs ne me voient m’y faufiler (car on n’en n’avait pas le droit). Puis le ramassage scolaire à fini par être synonyme de boule au ventre lui aussi : j’y prenais quelques claques (des vraies) et c’est seulement à ce moment que les parents sont intervenus. Car jusque là, c’était toujours le même discours : « Ca passera« , « Moi aussi j’ai connu ça, j’en suis pas mort« , « C’est de votre âge« , « Laisses couler« . Même une prof de français (coucou Royer-Stephan) m’appelait par certains sobriquets en aparté. Pauvre conne, va…
Être rejeté d’autant d’élèves n’était pas évident à vivre. J’avais bien deux profs et quelques potes comme soutiens, démunis pour les premiers, impuissants pour les seconds. Il n’y avait pas grand chose à faire… Tout ça avait développé chez moi une certaine aigreur, à en être parfois à mon tour méchant gratuitement avec d’autres pour me raccrocher aux branches. De châtié, je devenais bourreau… C’est en quatrième, après deux cinquièmes, que les choses se sont tassées. Je me suis affirmé et si je ne savais pas me battre, j’avais appris à manier les mots pour avoir la répartie comme arme.
Le plus dur fut mes relations avec la gente féminine. Considéré comme un intouchable, oser avouer ma flamme et tout le collège s’en payait une bonne tranche durant deux jours. Je n’avais pas le droit d’envisager l’hypothétique idée que je pourrai éventuellement sortir avec quelqu’un. Et ces demoiselles ne se gênaient pas pour me le dire. Jusqu’à mes 18 ans, toute personne de la gente féminine que j’approchais me fuyait : la honte de sortir avec celui que tout le monde évite. Car même si ce n’était plus mon quotidien, ces conneries m’ont poursuivi jusqu’à ma seconde générale. Parfois même en dehors du bahut il m’arrivait de croiser de parfaits inconnus, qui eux me connaissaient et me pourrissaient. Cette contagion s’étaient répandue dans des établissements alentours.
Ce n’est qu’arrivé en lycée professionnel que les choses ont réellement changé. Devenu acerbe, je n’étais pas plus aimé, mais j’étais blindé et ça n’avait plus d’emprise sur moi. Ca ne m’a pas empêché d’y trouver de bons copains pour jouter verbalement face aux profs bornés (coucou Balluais). Première copine à 18 ans. J’avais au moins la fierté d’avoir rendu jaloux tous les mecs du bahut.
Cette étape, que je nomme tout simplement « période collège », a malgré tout participé à construire celui que je suis aujourd’hui. Bien que pourtant doté d’une forte empathie, il m’a longtemps été difficile de construire des relations sociales d’égal à égal. Et même si certains souvenirs restent comme une écharde dans mon esprit, ce n’est que récemment que j’ai pu passer à autre chose. J’ai trouvé des repères pour me construire, des rencontres avec certaines personnes (Richard, Tarek, Bruno, Maxime, Alexis, Lyroé, si vous me lisez…), ainsi qu’avec la Jeune Chambre Économique que j’ai rejoins en 2009 qui à énormément participé à faire de moi celui que je suis aujourd’hui.
Au cours de ces années de collège, je retiens tout de même Romain (avec qui j’ai gardé contact), Steeve, David, Fleur, Baptiste, Alban, Cécile. Pas forcément présents, mais ils m’acceptaient tel quel, sans jugement, en dépit de ce que les autres pouvaient dire. Merci à vous, du fond du cœur. Si par hasard vous lisez cet article, envoyez-moi un e-mail, ça me fera plaisir d’avoir de vos news.
Pour les autres, je leur dis également merci. Grâce à eux j’ai su grandir en dehors de la masse, ce qui a aiguisé mon esprit critique et m’a appris à ne pas être un mouton de Panurge. Un mal pour un bien, dirai-je. Aujourd’hui je m’en sors très bien, mais j’ai aussi des sentiments très partagés : douleur, mépris, colère… mais aussi compassion, amour, pitié, car j’ai finalement de la tristesse pour eux. Si j’espère qu’ils ont pris conscience de leurs erreurs passées, j’espère aussi qu’ils arriveront à se pardonner et à enseigner à leur propre enfants de ne pas faire la même chose.
« L’Homme naît naturellement bon, c’est la société qui le corrompt. » – Rousseau