La nouvelle a fait mouche sur les réseaux sociaux ces derniers jours : le député Yves Jégo a lancé une pétition pour un menu alternatif végétarien obligatoire dans les cantines scolaires. Une mesure qui a bien plus d’importance qu’on peut le supposer.
Le sujet de l’alimentation est quelque chose de sensible pour les musulmans, ces derniers refusant la consommation de cochon. Et c’est un thème sur lequel les détracteurs de l’Islam aiment surfer, en brandissant la sacro-sainte laïcité, qui n’a de laïcité que le nom. Si les interdits alimentaires peuvent souvent sembler tenir du dogme religieux, il n’en n’est rien. Avant de continuer votre lecture, je vous invite à lire mon article sur la laïcité. C’est bon ? Ok, poursuivons en commençant par revenir sur l’origine de l’interdit concerné pour mieux le comprendre.
L’Islam et la viande de cochon
Le problème de la viande de cochon (mot que je préfère, en tant que végétarien, au mot « porc » qui désigne alors l’animal-objet) est qu’elle périmait plus vite que les autres à cause de la chaleur et à une époque ou le réfrigérateur était encore inconnu. Ainsi, la viande de cochon nécessite une cuisson à forte température pour être consommable. C’est de là que viendrait l’origine de ce principe religieux. Il y a d’ailleurs bien souvent une raison à chaque coutume religieuse, toutes religions confondues. Si beaucoup font toujours sens pour les croyants, certaines sont devenus hors contexte ou l’on en a oublié la raison.
L’alternative du végétarisme
La proposition d’Yves Jégo est simple : obliger les cantines à proposer un menu alternatif qui soit végétarien. Ainsi, en plus de ne pas être un privilégié une fois de temps en temps, chaque enfant serait libre de choisir ce qui lui convient sans avoir à être pointé du doigt. Et il y a bien plus de concernés qu’on ne le pense :
- En premier lieu, les musulmans ;
- Les juifs, qui ont une alimentation cacher ;
- Les chrétiens, dont certains – comme moi – pensent que le végétarisme fait partie de leur religion (A ce sujet, j’ai découvert les deux parallèlement mais j’ai été ravi d’avoir pu les relier ensemble) ;
- Les végétariens (tout simplement);
- Les végans et végétaliens, dont certains accepteraient cette alternative (à défaut de mieux) pour que leurs enfants puissent manger à l’école.
Bref, après quelques recherches sur le web et un rapide petit calcul, on parle ici d’enfants qui sont issus d’un regroupement de communautés totalisant 7,5 millions de français. 10,6 % de la population, rien que ça ! Et encore, je n’ai pas compté les enfants ayant des contre-indications médicales. Voila de quoi donner du poids à la pétition, sachant qu’on a fait passer des lois en faveur de communautés bien plus petites…
Oui, mais…
Au cours de ces derniers jours, j’ai pu lire une batterie de contre-arguments aussi caducs les uns que les autres. Voici de quoi casser quelques idées reçues.
- « L’homme est omnivore » : d’une part, il l’est devenu par obligation et a toujours un système digestif et une dentition de végétarien. D’autre part, ce menu ne sera pris uniquement que par ceux qui en font le choix. Il ne s’agit pas de l’imposer à tous.
- « Ca va coûter trop cher » : jusqu’à aujourd’hui, c’est encore les parents qui payent la cantine. Et s’il est nécessaire que par endroit le plat végétarien soit plus cher (ce qui m’étonnerait, compte tenu du prix de la viande), alors nul doute que les parents mettront la main au porte-monnaie pour être en accord avec leurs convictions.
- « Ca va coûter trop cher… à l’État et donc à nos impôts » : il appartient à l’État de gérer la mise en place de cette mesure si elle passe. En sachant que chaque mesure pour favoriser la vie en communauté coûte de l’argent, si on suit ce raisonnement, ne devrait-on pas fermer le service public qui coûtent de l’argent ? Ca risque de faire mal…
- « Et les carences ? La cantine permet aux enfants de bien manger ! » : un végétarien n’a pas de carence s’il pense bien son alimentation car être végétarien, ce n’est pas seulement retirer le poisson et la viande. Si les plats des élèves sont conçus correctement, aucune raison que les gosses aient des carences. Et encore une fois, ce menu ne concernera que ceux qui feront le choix d’opter pour celui-ci.
- « C’est trop dur à mettre en place » : pas si c’est un choix qui est fait en début d’année scolaire, et spécifié sur la carte de cantine de l’élève.
Par ailleurs, être contre cette proposition relève tout simplement de l’intolérance dans la mesure où personne n’y est contraint et qu’elle n’a aucun impact sur ceux qui ont des préférences alimentaires différentes.
Une chance pour la laïcité
Yves Jégo n’est pas le premier à avoir cette idée. Certaines écoles ont déjà pris les devants. François Bayrou en parlait également en début d’année et l’a mis en place à Pau. Comme l’a si bien dit ce dernier : « un menu végétarien, ça n’a pas de connotation religieuse. Un menu végétarien qui pourra permettre à ceux qui, soit ont des préférences alimentaires, soit sont végétariens, soit ont des problèmes médicaux, de trouver une réponse pratique à leurs questions. Et ce n’est pas une manière d’opposer, c’est une manière de réunir. » Il ajoute également : « si on peut faire en sorte que des jeunes juifs, des jeunes musulmans ou des jeunes simplement qui ont d’autres préférences alimentaires, soient assis à la même table, avec les mêmes bancs, et se comprennent un peu mieux après l’école qu’avant l’école, là on sert la laïcité. »
La mission de la laïcité, à savoir le respect des libertés de conscience de chacun sans que cela ne gêne qui que ce soit, est alors remplie. Enfin, il est de bon ton de souligner que les coutumes religieuses, ainsi que les choix alimentaires, gênent le plus souvent uniquement des personnes qui ne sont pas concernées.