Ne parlez pas d’intégrisme, le chrétien est juste fidèle à ses convictions

Par , Le 8 août 2016 (Temps de lecture estimé : 8 min)

Le web est le lieu de nombreux débats. Mais malheureusement, dès qu’on n’est pas d’accord avec certains courants progressistes tandis qu’on est chrétien, alors on est taxé d’extrémisme et le dossier est clos. Et pourtant, qui a-t-il de plus naturel que d’être fidèle à ses convictions ?

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C’est un problème que je rencontre assez souvent… De plus en plus, à dire vrai. Et je vous avoue que ça me mine parfois le moral. Tandis que je reste courtois, je me prends une volée de bois vert et une suite de propos injurieux dès qu’il s’agit des sujets polémiques. De nombreux sujets sont de véritables bombes et pour peu qu’on défende ses idées, on est taxé d’intégriste et toute forme de discussion devient impossible. Arthur Schopenhauer parle d’ailleurs de ce type d’argumentaire fallacieux, qui est plus un réflexe défensif, dans un de ces livres (L’Art d’avoir toujours raison, Dijon-Quetigny, Circé poche, 2003) : il s’agit de mépriser l’autre pour ce qu’il est afin de ne pas avoir à réponse aux arguments qu’il avance.

Je crois bien que si j’avais reçu un euro à chaque insulte reçue, j’aurai sérieusement envisagé de faire de la polémique mon métier.

Un peu de sémantique

Blague mise à part, qu’est-ce qu’un chrétien intégriste initialement ? Tout d’abord, l’intégrisme est à différencier de l’extrémisme, du fondamentalisme ou l’extrême-droitisme. Datant du début du siècle dernier, il s’agissait d’un courant de l’Église catholique représentant des croyants prônant un catholicisme intégral tel qu’il était enseigné depuis belle lurette. Ils sont à opposer aux modernistes, qui prônent une adaptation des valeurs de l’Église catholique au monde dans lequel elle se développe. Ces adaptations sont d’ailleurs toujours considérées par l’Église comme des hérésies. Pour rappel, «L’hérésie est la négation obstinée, après la réception du Baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité» (Catéchisme de l’Église catholique).

On va petit à petit observer un glissement de l’usage de ce terme pour désigner une certaine forme d’extrémisme jusqu’à le distinguer du traditionalisme. Ainsi, le plus souvent le terme intégriste est-il employé à tort pour désigner des chrétiens traditionalistes qui pensent appliquer fidèlement les enseignements du Christ. La Fraternité de Saint-Pie X est un courant que l’on peut qualifier d’intégriste. Quand on parle de traditions, il ne s’agit pas de pratiques arbitraires et désuètes. Non, on parle de ce qui fait le terreau des valeurs de l’Église catholique, d’enseignements et de concepts qui ont été réfléchis par un grand nombre d’hommes et de femmes qui leurs ont dédiés leurs existence.

Ce qui distingue l’intégriste du traditionaliste, pour faire simple, est que bien souvent il ne reconnaît pas ou peu la validité des pratiques des autres chrétiens. Que mes frères et sœurs en Christ ne me tienne pas trop rigueur pour cette simplification, je rappelle que cet article s’adresse d’abord à des non-croyants.

Pour faire simple : Intégristes > Traditionalistes (Bibi) > Modernistes. Vous suivez ? Quant au fondamentalisme, il est à distinguer de l’intégrisme : on le trouve davantage chez certains courants protestants qui sont pour une lecture plus stricte de la Bible.

Qu’est-ce qui me pose problème ?

On va inverser les rôles l’espace d’un instant, seulement le temps de répondre aux questions suivantes : accepteriez-vous de faire des concessions sur vos valeurs profondes pour faire partie du monde ? Accepteriez-vous de négocier vos valeurs pour être accepté des autres ? À moins d’être un mouton de Panurge, il y a de très fortes chances que votre réponse soit non et vous aurez raison ! Est-ce que vous vous battriez becs et ongles pour faire comprendre vos idées ? Je pense que comme moi, vous répondrez oui. Et vous aurez également raison.

Ainsi le catholique traditionaliste est d’abord un croyant qui n’a pas souhaité négocier ses valeurs. Valeurs qui sont basées sur des fondamentaux souvent différents de ceux de ses opposants. Les deux parties ont alors deux solutions : continuer à se fritter dans d’éternelles discussions stériles ou décider tous les deux de comprendre les fondamentaux de l’autre. C’est très important d’ailleurs ! Car à défaut de tomber d’accord, chacun comprendra le chemin de pensée de l’autre et pourquoi il défend telle ou telle idée.

Les idées sont comme les briques d’une maison

Le plus important pour avancer n’est pas de tomber d’accord, mais de se comprendre mutuellement. Car on peut comprendre l’autre en ayant un avis différent. Pour ça il faut accepter que nos idées soient comme les briques d’une maison. En effet, des maisons qui auront des fondations différentes, seront construites avec des matériaux différents et auront parfois même des architectures respectivement différentes. Les deux tiendront debout, recevront du monde et seront des lieux de vie et de joie. Mais ça sera des maisons différentes, conçues pour des modes de vie différents. Pour la même raison, on n’utilisera pas de ciment pour refaire les vieilles églises, sinon l’humidité est retenue et les pierres se fendent. C’est tout simplement incompatible.

Ainsi doit-on commencer par accepter que l’autre vit peut-être dans une maison différente de la nôtre. Il a raison de son point de vue, tout comme nous avons raison depuis le nôtre. Est-ce qu’un point de vue domine sur l’autre ? Oui, celui qu’on défend, soyons honnêtes. Mais quand on accepte que c’est aussi le cas de celui d’en face pour lui-même avec son propre point de vue et qu’on laisse nos egos respectifs de côté, alors on peut commencer à échanger pour comprendre pourquoi l’autre est quand même en opposition.

L’incompréhension

Mais bien souvent, je suis confronté à une vague de merde (j’ai pas d’autres mots pour qualifier les insultes, la haine, les menaces, le mépris) dès que j’explique ce que je viens de prendre le temps d’exposer ici. Le problème des sujets polémiques est qu’ils touchent souvent à l’affecte de gens (quel que soit leur prise de parti) et que ceux-ci sont sur la défensive, donc dans l’incapacité d’écouter l’autre (au moins temporairement). L’autre problème est que bien souvent, les gens construisent leur identité sur leurs idées (bousculez les secondes, vous bousculez alors la première). Ils ne veulent pas comprendre, mais uniquement avoir raison pour renforcer leur conviction. Malheureusement, dans ce genre de cas il n’y a pas grand-chose à faire. Cette incompréhension naît souvent d’une idée reçue : essayer de comprendre l’autre serait se laisser convaincre pour finalement être d’accord avec lui. Sauf qu’il n’en est rien et que nous sommes justement à mille lieux de cela !

Pourquoi comprendre ?

Si notre société se veut équitable, elle se doit de prendre en considération les différents avis avant de trancher. Nous devons alors en faire autant dans nos réflexions respectives, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle. Je vous donne un exemple concret : je suis contre l’acte d’avorter, mais pour sa légalisation (comme c’est le cas aujourd’hui), car je tiens compte des implications sanitaires et médicales dramatiques que provoqueraient une interdiction de cet acte. En revanche, je suis pour qu’on laisse les différents mouvements – quel que soit le parti pris – faire leur travail de sensibilisation (à distinguer de la culpabilisation) en paix.

Attention ! J’ai donné là un exemple où c’est moi qui ait fait preuve de compréhension, mais la démarche vaut dans les deux sens. Si celle-ci peut sembler subtile, elle permet de faire cohabiter des points de vue différents avec une réalité qui se situe souvent entre ces derniers. Car une fois qu’on à compris, si chacun décide quand même de rester sur sa position, on peut toutefois commencer à trouver des solutions pour contenter les deux.

La dictature, c’est les autres

« Vous imposez votre avis aux autres » est certainement l’argument fallacieux le plus récurrent. Tout d’abord, on a encore le droit de défendre un avis différent. Je trouve usant d’être insulté et classé avec des étiquettes innommables dès qu’on tente d’exprimer des idées différentes. Il semble spécifiquement que le “progrès” n’ait pas tellement le droit d’avoir ses détracteurs. Pourtant, c’est avec des avis différents que l’on construit un projet de société commun et qu’on avance. Et on suscite rarement l’adhésion à coup d’insultes…

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Bien entendu, il y aura toujours d’un côté comme de l’autre quelques égos pour chercher à n’avoir que raison… Mais la plupart des catholiques ne cherchent qu’à faire avancer les choses en faisant comprendre leur point de vue dans la démarche précédemment expliquée. Peut-être parfois manquent-ils les bons mots à certains – à moi le premier ! – certes. Mais il faut sortir des clichés laïcards véhiculés par les médias sur l’exemple de quelques énergumènes. Ça serait non seulement être honnête avec soi-même, mais nécessaire pour parvenir à une communauté d’hommes et de femmes qui ne se contentent pas de faire la promotion d’un “vivre ensemble” de communication, mais sache le mettre en application.

Jeter les catholiques dans la fosse commune des bornés fermés d’esprits, c’est justement imposer un avis à toute une communauté qui représente près de 6,9 millions de personnes en France si on s’en tient aux seuls pratiquants. Pour une démocratie, peut mieux faire.

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René DROUIN

Auteur d'anticipation, blogueur et créatif touche-à-tout, catho tradi, entrepreneur, THPI. Chasseur de woke et de droitard formolé à mes heures perdues. Membre de Re:Possession. Mi-ours, mi-panda et re-mi-ours derrière.

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